Assurer la transition de l’agriculture wallonne

Depuis des décennies l’agriculture Wallonne perd 3 % de ses actifs chaque année, les derniers agriculteurs en fonction sont en moyenne très âgés et n’ont, dans la plupart des cas, aucun successeurs. Et pour cause, leur dur métier nécessite des investissements importants (capitalisation moyenne d’une ferme en agriculture wallonne autour d’1 million d’euro) et il se pratique à prix coûtant. En effet, les agriculteurs Wallons ne gagnent en moyenne rien sur la vente de leur production et leur faible rémunération repose exclusivement sur des aides, principalement européennes et de nature précaire (285 M€ pour le 1er pilier en 2017).

L’environnement souffre également du modèle agricole, principalement dans les zones les plus productives. En Hesbaye notamment les taux de Matière Organique des Sols sont en chute libre et les terres de cultures sont sensibles à l’érosion, les aquifères sont menacés par la pollution au nitrate, la biodiversité s’érode rapidement, les espèces invasives se propagent.

Si les zones de production plus extensives sont relativement bien loties concernant l’état local de l’environnement, le modèle de production fondé sur l’élevage qui y est pratiqué a un lourd impact sur les écosystèmes distants. Notons que 2/3 des agriculteurs wallons pratiquent l’élevage et que, en moyenne, 51 % des charges des fermes d’élevage viandeux et 63 % des charges des fermes laitières sont l’achat d’aliments pour bétail produits essentiellement sur le dos de la forêt amazonienne (20 millions d’ha à l’échelle européenne). Par ailleurs l’élevage est globalement responsable de entre 15 et 30 % des émissions de GES.

Socialement les agriculteurs traditionnels qui disparaissent sont peu à peu remplacés par des agriculteurs insoupçonnés. Les propriétaires fonciers (70 % de faire-valoir indirecte en agriculture Wallonne), sont globalement mécontents des conditions du bail à ferme, récemment régionalisé, qu’ils considèrent comme « le vol organisé de la terre ». Dès lors ils reprennent eux-même l’exploitation de leur terres ce qui fait les choux gras des sociétés de gestion et qui crée une pénurie de foncier sur le marché locatif. Les propriétaires sont non seulement mécontents des conditions financières et contractuelles du bail mais également des conditions écologiques de l’agriculture conventionnelle telle qu’elle est pratiquée par les locataires.

Par ailleurs, de nouveaux agriculteurs, les « Nimaculteurs » – les agriculteurs Non Issus du Milieu Agricole, s’inscrivent dans un large retour à la terre qui se veut Paysan ou Agroécologique. Ces nouveaux agriculteurs peinent à tous les niveaux, les aides ne sont pas facilement accessibles pour eux, ils ont difficile à avoir accès au foncier, les formations agricoles existantes ne les ciblent pas et ne répondent pas totalement à leurs besoins, ils manquent de compétences agricoles. Pourtant ils persévèrent et constituent la relève la plus nombreuse en effectif pour notre agriculture.

Selon nous, les enjeux d’une agriculture durable en Wallonie sont de trois ordres :

Impact : contribuer significativement au stockage des GES, favoriser la biodiversité, développer des externalités positives.

Résilience : préserver le capital sol, développer l’autonomie et s’adapter aux conséquences du changement climatique.

Humains : former la relève des agriculteurs actuels, préserver et diffuser les savoir-faires agricoles.

Stratégie

Afin d’atteindre ces objectifs il faut une stratégie qui n’est pas la liste exhaustive des attentes du secteur mais, au contraire, un nombre très limité de facteurs clés sur lesquels concentrer les moyens pour un impact maximal et croisé :

1° Faciliter les synergies entre les différents types d’agriculteurs.

Les 3 types d’agriculteurs que nous identifions détiennent chacun une part de la solution de la transition humaine de l’agriculture : L’agriculteur de cadre familial détient des compétences mais manque de bras et, dans une certaine mesure, de terres ; l’agriculteur propriétaire détient des terres mais manque de bras et, dans une certaine mesure, de compétences ; le Nimaculteur a des bras mais manque de terres et de compétences, il constitue part contre un pont vers le reste de la société.

2° Réintégrer l’arbre en champs.

Nous pensons que l’agroforesterie est un must pour une agriculture régénérative de transition. Un ha d’agroforesterie peut stocker entre 5,5 et 14,5 T de CO2/an, soit les émissions d’un wallon. Ce stockage aboutit en partie à une séquestration de carbone dans les sols agricoles menant à un équilibre entre 5 et 8 % d’humus, ce qui est idéal pour préserver la fertilité des terres de culture. Par ailleurs, les feuillus précieux constituent un capital sur pied pouvant atteindre à maturité 50.000€/ha, ce qui peut significativement aider à la reprise des exploitations familiales. L’arbre en champs séduit les propriétaires ruraux qui sont souvent également des propriétaire forestiers (connaissance de l’arbre) et qui sont sensibles à son impact positif sur les ressources cynégétique (en tant parfois que chasseurs). Les arbres agroforestiers constituent des refuges et des couloir biologiques et piègent activement du nitrate, ils sont aussi un important facteur d’adaptation au changement climatique que la Wallonie va subir d’ici la fin du siècle, ils sont en mesure de protéger les cultures de la surchauffe (voir notamment la Dehesa, un système d’agro-sylvo-pastoralisme qui couvre plusieurs millions d’ha dans le sud de l’Europe).

3° Rendre l’élevage autonome.

L’élevage industriel est un géant au pied d’argile dépendant d’importations, il constitue le principal impact de l’agriculture sur les écosystèmes. Le réduire au profit d’un élevage wallon paysan, autonome et lié au sol est à la fois un important facteur de résilience et le moyen le plus rapide de jouer sur l’impact global de l’agriculture sur le climat et la biodiversité. Il s’agit ici de boucler les cycles de matières, de développer le potentiel d’auto-fertilité de la ferme d’élevage et l’auto-production des aliments pour bétail tout en assurant la rentabilité des exploitations à taille humaine par la transformation et le circuit court.

Compétences

Posté le

janvier 24, 2019

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